24 février 2015

La procrastination c'est bon !

Il existe une version plus récente de cet article sur mon nouveau blog, ça se passe ici!

Aujourd'hui j'ai envie de parler de procrastination. Ca revient souvent dans les blogs ou livres de développement personnel, comme l'ennemi numéro un qui nous empêche de nous élever vers notre vraie valeur en nous détournant de l'effort. Il existe une version beaucoup plus bienveillante de la procrastination et c'est celle-là que je propose d'explorer ici.

La procrastination est un symptôme, pas une cause !


Si on n'arrive pas à se mettre à quelque chose c'est souvent beaucoup plus subtil qu'une simple flemme (et d'abord pourquoi la flemme serait-elle simple d'ailleurs ?), c'est plutôt le symptôme subtil et déguisé que quelque chose ne va pas. Et comme on ne tente pas de vider une baignoire à la petite cuillère si tous les robinets sont ouverts, il ne sert à rien de combattre la procrastination sans chercher la cause sous-jacente. Ca peut même être dangereux ! Par exemple, si je procrastine parce que je suis proche du burn-out, alors chercher des moyens pour travailler encore plus dur va me pousser à bout.


La procrastination comme un signal


Voyons donc la procrastination autrement, plutôt comme un drapeau rouge qui s'agite. Elle m'empêche de m'élever tout en haut de l'échelle ? Peut-être que cette échelle n'est pas appuyée sur le bon mur, et que les sommets que je cherche ne sont pas alignés avec mes valeurs. La procrastination me demande donc de ne pas agir (tout de suite) mais de réfléchir à la place. Bien sûr ce n'est pas simple, et on a vite fait de s'auto-critiquer, de se trouver nul ou inefficace, mais rappelons-nous, la procrastination c'est le messager, et on ne tue pas le messager. La difficulté est bien d'identifier que c'est un signal et de décoder le message envoyé, afin de découvrir la cause de notre procrastination.

Le rôle crucial de la bienveillance


Dans tout ça il est fondamental d'être bienveillant avec soi-même. Comment identifier le problème si on est assailli de pensées automatiques du type "je suis nulle / lente / inefficace / je manque de volonté" ? Quand on est rongé par la culpabilité on n'est pas en état de réfléchir à quoi que ce soit. En effet, si on culpabilise, ça signifie qu'on attribue la procrastination à un défaut personnel. Dans ce cas là notre cerveau a trouvé la cause ("c'est ma faute je suis trop flemmarde") et n'en cherche donc pas une autre plus subtile, plus cachée. Au contraire, si on arrive à être bienveillant avec soi-même, on devient capable de ne pas s'auto-critiquer sans fin, et on peut commencer à réfléchir. En éloignant la culpabilité on laisse la place à la petite voix intérieure, et on est plus en état de voir surgir la vraie raison.
Evidemment, être bienveillant envers soi-même ce n'est pas facile à mettre en oeuvre, c'est même un gros travail. Les outils qui peuvent permettre d'apprendre et de progresser sont sans doute nombreux, j'en retiendrai deux : la méditation de pleine conscience (et les textes de Christophe André) et le travail avec un professionnel (psy).

Ceci étant dit, je vais maintenant donner quelques exemples un peu plus concrêts et indiquer quelques pistes de réflexion.

Exemple 1 : Remettre à plus tard


Ca c'est la petite procrastination quotidienne, celle qui refuse de répondre au courrier, passer ce coup de fil, ou un petit coup d'aspirateur, de ranger ce vêtement tout de suite et pas dans trois jours, de répondre à un vieux mail qui traine. En parallèle il y a la petite voix de la culpabilité qui nous explique que les petites choses ça s'accumule et qu'ensuite on est débordé, que c'est nul d'être flemmard et rester sur le canapé ça n'a aucun intérêt. Voilà pour le cocktail du soir flemme+culpabilité, je pense qu'on est nombreux à subir ça de temps en temps...
Quelques pistes de réflexion ici :

  • Voir s'il n'y a pas un problème sous-jacent. Par exemple j'ai super la flemme de vider le lave-vaisselle parce que j'ai déjà fait deux lessives, le repassage et la cuisine aujourd'hui et j'aimerais que les autres participent un peu. De même, si on ne range pas cela peut-être que le système de rangement n'est pas convenable et que les choses pourraient être repensées. Ou alors qu'on est vraiment fatigué et qu'on a besoin de quelques jours de repos.
  • S'il n'y a vraiment aucun problème, qu'on a très très envie de se motiver pour faire toute ces petites choses, qu'on est bienveillant envers soi-même et qu'on veut les faire pour être fier de soi (et non pour répondre à la culpabilité), alors seulement dans ce cas on peut envisager recourir aux méthodes "anti-procrastination". On peut commencer par renommer ces méthodes avec bienveillance en "méthode pour l'efficacité", c'est déjà moins négatif. La méthode qui marche du tonnerre pour moi dans ces cas là, c'est pomodoro. L'idée est toute simple, on prend un minuteur de cuisine, on le règle sur 30 minutes, et pendant ce temps on y va à fond sur la tâche en question, sans se laisser distraire et sans trop réfléchir. L'avantage de la méthode c'est que 30 minutes c'est court (si ça paraît trop long commencer à 15) mais ça laisse quand même le temps de faire des trucs. Parfois il suffit juste de se lancer pour débloquer la machine, et au bout de quelques minutes on est tellement content de s'être levé que l'on agit avec plaisir. Et le résultat est en général une satisfaction en soi, puisqu'en 30 minutes à fond on arrive à faire des trucs visibles.
  • L'avantage de la méthode pomodoro, c'est qu'on bénéficie assez vite de l'effet boule de neige des habitudes et de l'auto-entrainement. En effet, plus on déjoue cette procrastination là, moins elle fait peur et moins elle nous assaille. Du coup ce n'est pas vraiment gênant de se laisser aller de temps en temps si on en a besoin, puisqu'on sait qu'on pourra s'y mettre rapidement le moment venu. Au final on y gagne plus de confiance, plus de bienveillance et moins de stress. Pour moi ça a très bien marché, je considère que je ne procrastine plus sur les petites choses : soit je les fais facilement avec un pomodoro, soit je ne les fais pas mais en pleine conscience et sans me traiter de procrastinatrice ni culpabiliser (et en sachant que je n'aurai aucune difficulté à les faire plus tard). Du coup, la procrastination, qui n'était qu'un signal, a disparu dans ce cas là.

Exemple 2 : Je ne sais pas comment faire


Dans ce cas là, je ne fais pas parce je ne peux pas encore ou je ne sais pas encore faire. Par exemple il peut manquer une étape intermédiaire à faire avant, ou encore la tâche n'est pas assez clairement formulée et je ne sais pas réellement ce que je suis censée faire. Ca peut arriver à un truc de boulot qui a l'air très bien mais qui n'est pas assez précis, qui n'a pas assez été discuté, et où la répartition des rôles a été pas ou mal faite. Dans ces cas là, il ne sert à rien de s'armer de courage et d'utiliser la méthode pomodoro, mais il faut reprendre la tâche en amont. Toujours avec bienveillance, on admet qu'on ne sait/peut pas faire, et on va en discuter avec les autres. Si on est tout seul, on reprend la réflexion, et on essaie de clarifier les étapes intermédiaires. Moi ça m'arrive quand je me fixe un objectif trop vague et que je bâcle la phase de préparation. Ou alors quand je prévois une tâche trop énorme et qu'il faudrait plutôt la découper en sous-tâches moins monstrueuses et plus claires.
Dans la même veine, peut-être que parfois on n'est pas les mieux placés pour effectuer la tâche et que la procrastination essaie de nous faire comprendre qu'il faut déléguer ou dire non.

Exemple 3 : La procrastination manipulée


Il arrive parfois qu'on utilise la procrastination pour arriver à ses fins, voilà comment ça peut fonctionner. Commençons déjà par rappeler que la personne qui procrastine n'est pas inactive, c'est même en général quelqu'un qui fait plein de trucs. La manipulation par la procrastination consiste justement à utiliser la flemme de faire un gros truc pénible pour faire à la place plein de petits trucs utiles. Par exemple, me mettre à la maison avec un paquet de 200 copies à corriger garantit que le ménage et les lessives seront bien faits et que tout sera bien rangé (mais les copies pas corrigées). J'utilise ça de temps en temps, en évitant un gros truc ça me permet de faire plein de petites bricoles qui étaient en attente et ça éclaircit rapidement mon quotidien. Mes collègues font ça aussi, et il arrive souvent que l'on se raconte nos meilleures procrastinations et tout ce qu'on a réussi à faire en procrastinant sur un autre truc. C'est très agréable d'ailleurs d'en discuter avec les autres, ça rassure de voir qu'on n'est pas tout seul et qu'on a tous le même genre de difficultés et de stratégies avec la procrastination.

Exemple 4 : Je ne suis pas encore prête


Dans ce cas là, on ne fait pas parce la tâche en question est difficile et demande pas mal de réflexion en tâche de fond. Procrastiner sur quelque chose pendant plusieurs jours est parfois simplement l'occasion de se laisser le temps d'y réfléchir sans en avoir l'air. Le jour où on est prêt on est super efficace et ça va vite. Il faut donc savoir accepter avec bienveillance que la tâche prend du temps, et que ne rien faire n'est pas une perte de temps, mais une simple préparation (sans en avoir l'air). Par exemple quand je prépare une conférence nouvelle, il me faut y revenir plusieurs jours de suite, et les premiers jours je ne fais pas grand chose à part choisir les couleurs et préparer la mise en page. Mais je sais que, l'air de rien, en hésitant entre le vert moyen et le vert moyen clair, je suis en train de construire le contenu de ma présentation.

Exemple 5 : Le besoin de repos


Parfois il y a des choses que je ne fais pas parce que je n'en peux plus, je suis fatiguée, j'ai besoin de repos, de ralentir. A ce moment là j'ai beau "essayer de m'y mettre", "me motiver", rien n'y fait, je n'ai pas envie. Si j'oublie la bienveillance envers moi-même il peut s'écouler un certain temps avant que je comprenne ce qui m'arrive. Maintenant, avec la méditation, ça me prend un peu moins de temps qu'avant pour décoder ce message là, pour écouter mon esprit et le respecter. Mais parfois c'est compliqué de prendre quelque jours de repos, en pleine effusion professionnelle par exemple. Pourtant il n'y a pas trente-six solutions, il faut vraiment s'écouter et lever le pied, apprendre à éliminer des choses, à dire non, à alléger son temps et sa liste de tâches. Evidemment ce n'est pas quelque chose qu'on décide comme ça du jour au lendemain ! Mon emploi du temps d'aujourd'hui est en grande partie la conséquence de choix passés. La bonne nouvelle c'est que les choix d'aujourd'hui sont l'emploi du temps de demain, et que je peux donc dès maintenant apprendre à dire non et à faire des choix dans mes futures contraintes. Par exemple, disons que je reçois une invitation à donner un exposé dans une conférence dans trois mois. Par le passé j'aurais accepté l'invitation sans trop réfléchir, pour souvent la regretter le moment venu. Maintenant quand l'invitation arrive, si je suis tentée d'accepter, je ne visualise plus l'emploi du temps vide et clair qui est le mien pour dans trois mois (mais qui ne sera pas vide le temps que j'y arrive évidemment !). Au contraire, j'essaie de l'imaginer au milieu de mes contraintes actuelles, comme si ça devait avoir lieu cette semaine, ce qui est beaucoup plus réaliste, et ce qui m'aide beaucoup à prendre une décision éclairée (autrement dit à dire non quand il le faut).

Exemple 6 : On a peur


La peur prend des multiples formes ; ça peut être la peur de rater ou de faire un truc pas terrible, ou alors c'est l'ampleur de la tâche qui fait peur, ou l'inquiétude du "par où commencer ?". Dans ces cas-là il y a peu de solutions toutes faites. Parfois il faudra comprendre et dénouer la peur de rater (avec l'aide d'un psy si besoin) avant de pouvoir avancer. Parfois il faudra beaucoup de courage et de détermination pour affronter cette peur et s'y mettre. Pour moi la méthode des oeillères, qui consiste à oublier la peur et à se lancer sans trop réfléchir marche assez bien. C'est comme ça par exemple que je me suis décidée à lancer ce blog, après quelques mois à procrastiner dessus. Au final j'ai décidé que c'était pas grave si c'était nul et je suis contente d'avoir eu le courage d'essayer. A ce moment là j'ai compris que la procrastination était un signal de ma peur de faire un truc dur et qu'il fallait que j'ose et que je sois fière de moi. Quelques pistes ci-dessous pour déjouer des petites peurs classiques :
  • Peur d'être ridicule : ma vie personne ne la vivra à ma place, donc tout ce que je ne fais pas par peur est perdu pour moi. Du coup quelle importance ce qu'en penseront les autres ? Ce qui compte c'est que ce soit important pour moi. Evidemment, un tel discours n'est pas facile pour tout le monde, le poids des convenances est parfois lourd. Mais retenons ça : personne ne vivra notre vie à notre place, et le temps perdu ne se rattrape jamais.
  • Peur de faire un truc nul : quand on se lance dans un truc nouveau on est forcément nul au début, c'est normal non ? Je ne peux pas m'attendre à être nickel du premier coup, sans travail ni entrainement. Si je veux pouvoir être bien un jour il faudra bien commencer, et faire des erreurs, et recommencer, etc. Les plus grands artistes/sportifs/professionnels ont commencé un jour en tant que débutants et des erreurs ils en ont fait plein. Par contre ils ont sans cesse recommencé, travaillé, progressé.
  • Peur des critiques : c'est toujours plus facile de critiquer que de faire, et il y a des gens qui critiqueront tout de toute façon quoi que l'on fasse. Du coup, autant être critiqué parce qu'on fait quelque chose qui rend fier, plutôt que parce qu'on ne fait rien. Et peut-être qu'au milieu des critiques certaines seront utiles et nous permettront d'avancer. Et là on rejoint aussi le regard des autres : peut-être qu'il est temps de se ficher de ce qu'en pensent les autres et de commencer à vivre pour soi !
Dans tous les cas, faire preuve de bienveillance envers soi-même est l'ingrédient indispensable pour comprendre nos peurs et avancer avec elles sans se laisser paralyser.

Pour conclure


Il y a plein d'autres exemples de procrastination, mais dans tous les cas les deux mots d'ordre suivants sont cruciaux pour pouvoir comprendre et progresser :
  1. c'est un symptôme, un signal, pas un problème en soi ;
  2. être bienveillant envers soi-même pour comprendre la cause réelle et pouvoir avancer.
Et vous, comment procrastinez-vous ?


Articles connexes :




Aucun commentaire: